Météorage localise l’éclair qui a foudroyé l’avion de ligne en approche de l’aéroport de Genève-Cointrin

Le 31 mai 2017 à 20 :16 :16 très précisément, un avion commercial en phase d’approche finale de l’aéroport international de Genève-Cointrin a été foudroyé.

Cet évènement a été photographié par Dimitri Rosel, un chasseur d’orages français qui se trouvait à l’affût sur les hauteurs de Mont-sur-Rolle, en Suisse alors que l’avion survolait le lac Léman.

Météorage localise l’éclair qui a foudroyé l’avion de ligne en approche de l’aéroport de Genève-Cointrin

" Ce jour là, un risque orageux était prévu sur la façade Est de la France ainsi que sur une partie de la Suisse. Après avoir intercepté un orage très violent qui occasionna une coulée de boue à Morez (Jura) en début d’après-midi, je décide de me repositionner sur les hauteurs de Mont-Sur-Rolle (en Suisse) pour la fin d’après-midi. D’autres orages se forment vers 18h mais l’activité électrique est très faible et la pluie m’empêche de voir quoique ce soit. Ce n’est qu’en début de soirée, vers 19h30, qu’un nouvel orage se forme de l’autre côté du lac Léman avec, cette fois, une activité foudre visible à l’avant des précipitations. J’installe mon appareil photo muni d’une cellule de déclenchement et commence les prises de vues. Une pluie fine s’invite rapidement mais ne m’empêche pas de continuer. L’orage génère environ un coup de foudre toutes les trois minutes et se rapproche lentement du lac. J’espère alors qu’il se renforce en arrivant au dessus de ce dernier. Pendant ce temps, j’observe plusieurs avions commerciaux passer au dessus de moi et entamer leurs virages en direction de l’aéroport de Genève. Je me laisse à rêver que l’un d’eux soit foudroyé mais l’orage est encore trop éloigné du couloir aérien et la foudre pas très présente. Vers 20h, l’averse aborde le lac mais l’activité électrique ne se renforce pas, elle s’estompe. Ce n’est que seize minutes plus tard, alors que l’averse continuait sa progression en direction de mon site d’observation qu’un coup de foudre se produisit, frappant un avion commercial qui généra, à son tour, un impact sur le lac Léman. Ce fût le tout dernier coup de foudre de cet orage. En dix sept années de traques orageuses, c’est la première fois que je réussi un tel cliché. Il faut dire que la chance était de mon côté pour réussir cette photographie unique."

Avion foudroyé

Cet évènement, pour aussi spectaculaire et impressionnant soit-il, est loin d’être rare.

En effet les statistiques montrent qu’un avion est touché par la foudre une fois toutes les 3000 heures de vol, soit un foudroiement en moyenne par an selon le type de vol. Heureusement, les conséquences sur le vol sont généralement minimes du fait des systèmes de protection foudre qui protègent les organes vitaux des avions modernes, et les passagers s’en tirent avec une petite frayeur.

Une étude de KLM sur le foudroiement des avions autour de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol montre que 84% se produisent en hiver contre 16% seulement en été. Durant cette période de l’année, les différences de température entre les couches de l’atmosphère sont faibles, et la convection qui en résulte est peu active. Les cumulonimbus qui se forment possèdent une faible extension verticale avec un sommet qui ne dépasse pas les 5km d’altitude, à comparer aux 15 km des nuages d’orage en été. Ces conditions favorisent ainsi le déclenchement des éclairs par les avions lors des phases d’approche ou de décollage, car les distances entre les différentes zones de charges électriques opposées dans le nuage, l’avion, et au niveau du sol, sont courtes et propices à l’amorçage d’une décharge électrique.

Un éclair comme celui observé par Dimitri Rosel autour de Genève est déclenché par l’avion lui-même, ce qui veut dire que sans sa présence, l’éclair ne se serait peut-être pas produit. Ce type d’éclair se déroule en trois phases (voir figure 1).

Une phase d’initialisation permet d’établir un traceur positif qui créé un canal conducteur constitué de charges positives progressant depuis l’avion vers la zone de charges négatives du nuage. Ce phénomène résulte soit de l’interception d’un traceur descendant en cours de formation, l’avion agissant comme un paratonnerre, soit dans une grande majorité des cas par déclenchement du traceur à partir du nez de l’avion, processus que l’on peut apparenter aux éclairs de type « ascendant » qui sont déclenchés par des structures élevées (Tour Eiffel, Viaduc de Millau…). En réponse à ce traceur positif, des charges négatives s’accumulent sur l’avion créant les conditions de la seconde phase qui voit la génération d’un traceur négatif depuis la queue de l’avion vers le sol. Lorsque les zones de charges négatives dans le nuages et positives au niveau du sol sont interconnectées par le traceur bidirectionnel issu de l’avion, une décharge de courant intense se produit : c’est l’arc en retour.

avion schéma

On observe généralement que le point d’attachement initial au niveau du nez de l’avion, se déplace le long du fuselage en direction de la queue de l’appareil au fur et à mesure de la progression de l’avion. Cela est dû à un effet combiné des forces aérodynamiques liées au déplacement de l’avion et électrodynamiques liées aux charges électriques de l’éclair. La vitesse de déplacement de l’éclair est généralement la même que celle de l’avion.

Le réseau européen de localisation des éclairs opéré par Météorage a localisé cet arc en retour dont le courant est estimé à -34 kA grâce aux mesures de 46 de ses capteurs. 
Il est localisé à l’intérieur du couloir aérien réservé aux avions en provenance et à destination de l’aéroport de Genève-Cointrin avec une erreur théorique de 80 m.  Il est également intéressant de noter que la situation orageuse enregistrée par Météorage au moment de l’incident, montre plusieurs foyers orageux actifs tout autour de Genève (voir figure 2). L’éclair qui a foudroyé l’avion s’est produit en dehors de ces foyers, à l’est de Nyon sur le lac, à une distance d’environ 15 à 20 km de tout orage actif, preuve que c’est bel et bien l’avion qui a déclenché le foudroiement comme le montre magnifiquement la photo de Dimitri Rosel.

relevé éclairs avion